HEARTBREAK HOTEL (YAROL POUPAUD and friends) le 22 janvier 2010 au POINT FMR (Paris).
“THE BIG SWAMP”
avecYAROL POUPAUD (HEARTBREAK HOTEL)
+HOOKA HEY +BAD MAMA DOG +CASTLE OF AAAARGH
Vendredi22 janvier 2010
auPoint F.M.R.(Paris) :
Depuis le mémorable et très émouvant “Nikola Acin Tribute” au Gibus le 27 juin 2008 qu’il avait organisé de A à Z, Yarol Poupaud n’avait pas encore rejoué sur scène le répertoire de Heartbreak Hotel. En tout cas de façon officielle, c’est-à-dire en étant annoncé à l’avance sous ce nom-clin d’œil à Elvis Presley.
Paru d’abord en numérique à l’hiver 2008, “Snake Eyes”, l’album de ce duo formé deux ans plus tôt par Nikola et Yarol est heureusement et enfin paru en support CD/DVD en octobre 2009.
Quatre mois après cette sortie physique, l’occasion de pouvoir voir et entendre de nouveau en live ces fabuleuses chansons se présente dans le cadre de “The Big Swamp”.
Le concept de ce concert rock’n’roll country blues énergique, mêlant acoustique et électrique : Castle Of Aaargh (bluesman guitariste acoustique à la voix rauque) ainsi que les groupes Bad Mama Dog et Hooka Hey présentent leurs propres compositions.
Avec le fait que les musiciens de l’une comme
de l’autre formation se rejoignent sur tel morceau, à tel moment. Un jeune saxophoniste, au tempo trépidant totalement jive Dixieland r’n’r 50s, complète le tout.
De par son expérience depuis des années au service de nombreux musiciens et concerts à Paris (dont les “Rock’n’Roll Friday” de 2005 à 2009 au Gibus, au Triptyque, puis en province), Yarol mène comme un chef-complice aguerri le déroulement de ce riche concert de deux bonnes heures. Tour à tour à l’orgue Hammond puis aux guitares, un peu à la batterie ou aux percussions, il emmene le “Big Swamp” vers la folie rock’n’roll bon esprit qu’il souhaite pour cette soirée.
Environ vingt minutes (soit six ou sept chansons) après le début du set), il surgit sur le devant de la scène en tant que chanteur-guitariste pour interpréter un funk rock carré et dynamique. La soirée démarrera à ce moment-là pour de bon. Il était présent dès le début du show mais dans l’ombre, à l’orgue Hammond ou aux percussions.
C’est une évidence : Yarol est un supra excellent guitariste. « Le meilleur guitariste de France en activité », a même déclaré à son sujet dans une interview Philippe Manoeuvre, pour évoquer Dharma Project, l’un des groupes dont fait partie mister Poupaud. Il peut même se permettre de chouettes attitudes de guitar hero qui, chez d’autres, passeraient pour quelque chose de ridicule ou de trop grand pour eux. Pour une attitude prétentieuse, cliché, dépassée.
Chez mister Yarol, ça le fait direct car il joue avec énergie, professionnalisme (mais sans le redoutable côté “requin”, surtout pas) et va à l’essentiel. Il n’y a pas de frime tape-à-l’œil.
Même quand il fait des distortions ou des solos psychédéliques à la Jimi Hendrix, ça roule OK. En effet, qu’il fasse un solo calme en acoustique comme un son de guitare ultra déchaîné, il le fait toujours avec finesse, intelligence, musicalité r’n’r, sans se la raconter ou se la jouer.
Après une première heure de concert puis une pause d’un quart d’heure, Nicolas Ullmann prend le micro. Officiant ce soir en tant que DJ rockab’ country avant et après le set, il est habillé au second degré tendance cowboy à Paname : pistolet en plastique, gros ceinturon, béret identique à celui que Nikola Acin pouvait porter parfois en dehors de scène (1).
Avec une voix forte et porteuse, il introduit la deuxième partie du show : « Maintenant, c’est au tour de Heartbreak Hotel. Il s’agit du duo formé par Nikola Acin et Yarol, de la récréation country rock’n’roll acoustique du chanteur des Hellboys. D’ailleurs, les Hellboys, c’est sans doute le groupe que j’ai le plus vu dans ma vie. Il y a un album — merveilleux — qui est sorti récemment, “Snake Eyes”, disponible chez tous les disquaires. Je vous invite à l’acheter. Ce CD est accompagné d’un DVD de douze clips, dont un que j’ai eu la chance de tourner, “Hollywood Rose”. Ce concert lui est dédié, on espère qu’il nous voit et nous entend là-haut. »
Yarol poursuit en disant de façon chaleureuse, en regardant l’intéressé dans le public et en lui souriant : « Christophe Lagarde, le guitariste des Hellboys, est avec nous ce soir dans la salle ! »
Ils rejoignent ensuite Yarol pour présenter avec lui une relecture bonne franquette de “Everything Can Go”. Le chanteur de Hooka Hey interprète un couplet et un refrain, suivi du leader de Bad Mama Dog pour la suite du titre. Le tout dans la bonne humeur.
« Je ne veux pas plomber l’ambiance,prévient Yarol, mais la prochaine chanson parle d’un certain jour qui est arrivé à la Nouvelle-Orléans. Elle s’appelle “The Day The Rain Came Down”. »Sur fond de la guitare de Yarol et de la sienne, Hugo, le chanteur de Hooka Hey, interpréte avec beaucoup de cœur et de feeling ce titre. Le fait qu’il ait un peu (de façon involontaire) la même allure (au niveau taille, etc.) et une approche similaire de tenir la guitare, d’aborder le chant comme Nikola Acin renforce une troublante impression : celle que l’esprit de ce dernier plane dans la salle et sur scène (2).
Et nul doute que, par rapport à Yarol (même si tous deux se connaissent très bien), Hugo doit avoir le trac, la hantise de ne pas être à la hauteur du respect et de l’amitié indéfectible qu’avait Yarol avec Nikola. Il s’en sort fort bien. Et pour d’éventuels futurs concerts sous le nom Heartbreak Hotel, Hugo serait l’un des chanteurs idéaux (avec aussi, par exemple, Alain Chennevière) pour reprendre aux côtés de Yarol ces chefs-d’œuvre conçus et interprétés à l’origine par Nikola Acin.
Enfin, ce moment de grâce spécial se termine par “Snake Eyes”, enjoué et joyeux sur le plan musical (même si le texte, lui, parle de larmes, de péchés, de venin). Il est interprété de façon collégiale — sans que cela tourne pour autant ni aux “Enfoirés aux Restos du Cœur” ni à la colonie de vacances de rockers en goguette —, chacun jouant d’un instrument et reprenant en chœur le refrain.
Quinze à vingt minutes magiques, pleines de ferveur, de souvenirs, de pudeur, joie, sur scène comme dans la salle. Entre autres pour Christophe Lagarde, Caroline de Maigret (cofondatrice du label Bonus Tracks Records) et Nicolas Ullmann.
On aimerait tellement entendre en concert tous les autres morceaux de l’album (“Hollywood Rose”, “Inseparable”, “Fantôme de cimetière”, “Above My Head”, “Whispers”, “O Caroline”, etc.) voire aussi des raretés qui ne figurent pas sur le CD (“Train 23”, “Jolie Blonde”, “Bed Of Roses”). Mais comme il ne s’agit pas exclusivement d’un concert Heartbreak Hotel, il est logique de ne pas interpréter uniquement ce répertoire. Et bien sûr de laisser Hooka Hey, Castle Of Aaargh et Bad Mama Dog jouer leurs propres compositions.
Puis après ces quatre chansons écrites et composées par Nikola Acin, tous les musiciens prolongent la réjouissante expérience du “Big Swamp” d’une quarantaine de minutes supplémentaires. Avec des titres des uns et des autres, à forte coloration électrique, cette fois sans temps mort ou sans aucun flottement (à l’inverse, donc, des cinq ou six premiers titres du concert).
Le “Big Swamp”, une chouette et riche expérience à renouveler, en espérant cette fois au moins dix à quinze titres de Heartbreak Hotel. Bravo à Bonus Tracks Records pour cette soirée rock'n'roll.
Très bonne nouvelle : dans au moins deux interviews (dont l’une dans Guitare Sèche magazine en décembre 2009), Yarol a déclaré qu’il avait assez de matériel pour sortir dans quelques années un second album de Heartbreak Hotel.
François Guibert (29 janvier 2010)
(1) : comme on peut le voir furtivement au début du clip “Above My Head” réalisé par Thomas Boujut sur le CD/DVD “Snake Eyes” (Bonus Tracks Records).
(2) : comme on pouvait le ressentir le 27 juin 2008 au “Nikola Acin Tribute” au Gibus, d’autant plus que le Hellboy en chef s’y était produit un mois et demi plus tôt avec l’équipée au grand complet : Yarol, Christophe, Ghani et Adanowsky.